PORTRAIT

Si Pierre Lambert – et sa compagnie le Théâtre de l’Espoir fondeé en 1982 – devait incarner deux mots, ce seraient assurément « humain » et « indépendant ». Son approche du théâtre, de la littérature, lui qui dit « rêver d’être écrivain mais ne pas en avoir le courage », est une philosophie de vie : son théâtre est engagé parce que lui-même l’est dans la vie, sans artifice, avec conviction et émotion ; ses créations avec le Théâtre de l’Espoir sont singulières et puissantes parce qu’elles traduisent avant tout des coups de cœur pour un texte, un auteur, sans souci d’ego, de reconnaissance, ni même parfois de soutien ; enfin la pédagogie, dont tout son parcours est imprégné, lui a enseigné que le théâtre était avant tout un rapport à l’autre. L’important est de faire, avec les mots, avec la scène, avec les solidarités, qui ici comptent plus que les coproductions.


MEILLEUR COMÉDIEN AVIGNON 1982

Trente-sept ans après Les Métamorphoses de Robinson, adaptation du texte de Tournier qu’il réalise pour se confronter seul à un texte et à la scène après dix ans passés au Centre dramatique de Dijon comme comédien et animateur, Pierre Lambert est encore surpris et ému du succès fulgurant de son premier spectacle au Festival d’Avignon et du prix du meilleur comédien qu’on lui décerne. De là découlera la création du Théâtre de l’Espoir, en septembre 1982, et une reconnaissance de ses pairs comme des instances publiques territoriales. Exigeant sur le choix des textes, pour lequel il a un instinct sûr, il a admis depuis toujours qu’il pouvait faire avec peu de moyens pour peu que le texte portat un message, que l’important était dans sa transmission.


RENDRE LES GENS CRÉATIFS

« La pédagogie m’a donné une place dans le théâtre », confie-t-il. Rebelle à tout projet de carrière, il étudie la philosophie plutôt que les mathématiques comme ses frères et fait son droit sans y croire. Il mettra sept ans à obtenir sa maîtrise, préférant fréquenter les stages de théâtre proposés par Jeunesse et Sport et la scène du Théâtre universitaire de Dijon. Les années 1970 et les débuts florissant de l’action culturelle lui donneront l’occasion d’exercer spontanément à son tour en tant qu’animateur, à Annemasse puis à Dijon, où il met en place tout un réseau d’animation dans les quartiers et dans les écoles par le biais d’ateliers de sensibilisation au théâtre. « Cela a été très enrichissant, raconte-t-il, j’ai appris à travailler en groupe. Monter un spectacle est une expérience collective, il faut être dans l’écoute. Je me suis rendu compte que j’étais capable de rendre les gens créatifs. »

Ses dix années passées au Centre dramatique de Dijon achèvent sa formation en même temps qu’elles lui apportent une vraie reconnaissance de ses talents d’animateur formateur : c’est dans ce cadre notamment qu’il met en place une UV Théâtre à l’université de Dijon. Jusqu’au jour où il se lance seul en scène avec ses Métamorphoses, et fonde sa propre compagnie pour répondre à la quarantaine de contrats qui lui sont immédiatement proposés en France, en Espagne, en Suisse et en Belgique. Le spectacle sera donné plus de deux cents fois, cinq années durant.


LE CHOIX D’AUTEURS ENGAGÉS

Depuis, le Théâtre de l’Espoir a enchaîné plus de vingt créations. « Les auteurs que je choisis de monter sont des gens qui font avec les mots, plutôt engagés, qui explorent toutes les faces cachées de l’être humain. » Pierre Lambert n’hésite pas à prendre la plume pour rétablir des équilibres entre ce que qu’il veut dire et les textes sur lesquels il s’appuie. Pour que le Théâtre de l’Espoir soit parfaitement en adéquation avec ses convictions, il crée une école de théâtre en 1986 répondant à ses missions de formation et de transmission.


PRÉSENCE PASTEUR ET SCÈNES AU VERT

Et l’aventure ne s’arrête pas là puisqu’en 1993, découvrant le gymnase du lycée Pasteur à Avignon, il décide d’en faire la scène de ses créations mais aussi une vitrine pour les compagnies de sa région pendant six ans (Présence Bourgogne, avec le soutien de la région Bourgogne et de la Drac) puis de la région Nord – Pas-de-Calais (depuis 2001). Directeur de la programmation de ce lieu qu’il a su améliorer et développer sous le nom de Présence Pasteur, aujourd’hui phare de la programme off du festival (environ six cents représentations sur le mois de juillet), il y propose une programmation exigeante faisant la part belle aux questions environnementales et écologiques.

Un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, et pour lequel il crée l’an passé, à Dijon, Scènes au Vert, un nouveau festival stimulant la réflexion, de manière artistique et humaine, sur l’avenir de la planète.